OTTAWA ( le samedi 12 novembre 1983). L’hebdomadaire Manitoulin Expositor de Little Current, Ontario, est le récipiendaire du Prix Michener 1982 attribué annuellement afin de reconnaître l’excellence en journalisme d’intérêt public au Canada.
L’Expositor, qui dessert l’île Manitoulin, près de la rive nord du lac Huron, s’est intéressé pendant plusieurs années au taux de suicide de cette communauté, lequel atteignait environ 20 personnes par 1 000 habitants en 1981, soit le double du taux enregistré ailleurs au pays.
Les nombreux renseignements publiés par le journal, les diverses opinions des lecteurs et une action concertée de plusieurs organismes ont valu à l’île d’être reliée au service Télé-secours de Sudbury.
Télé-secours est un service téléphonique dont le fonctionnement 24 heures par jour est assuré par des bénévoles formés qui non seulement écoutent les personnes désespérées qui appellent, mais peuvent aussi leur indiquer où s’adresser pour obtenir de l’aide. Les appels sont gratuits. La communauté a recueilli les fonds nécessaires pour acquitter les frais de la ligne téléphonique requise. Déjà, deux vies ont été sauvées dès les premières semaines d’existence de ce service.
Le Manitoulin Expositor faisait partie d’un groupe de six finalistes qui ont été honorés lors d’une réception à Rideau Hall en présence de Son Excellence le Très Honorable Edward Schreyer, Gouverneur général du Canada.
C’est le rédacteur en chef, Peter Carter, qui a accepté le Prix Michener au nom de son journal. M, Carter est né à Sudbury et est diplômé en journalisme de l’université Carleton à Ottawa. Il a travaillé au bureau d’Espanola du Elliott Lake Standard avant de se joindre au Manitoulin Expositor il y a deux ans.
Pour sa part, l’éditeur Rick McCutcheon, a déclaré que « son journal avait donné à ce problème du suicide toute l’attention qu’il méritait ». Il a ajouté que toute l’équipe du Manitoulin Expositor, incluant les chroniqueurs, les pigistes et les correspondants régionaux, devaient être fiers de partager cet honneur à cause de leurs efforts constants qui rendent possible la publication du journal chaque semaine.
Fraser MacDougall, le président du jury, a rendu hommage au Manitoulin Expositor « qui, dit-il, a fait la preuve que plus gros ne veut pas nécessairement dire meilleur et aussi pour avoir provoqué une solution efficace à un problème très sérieux ».
Le Gouverneur général Edward Schreyer a parlé de l’importance d’une presse libre et a félicité les six finalistes « pour leurs reportages à la fois émouvants et très importants ». Il a aussi remercié la Fondation Michener d’avoir implanté ce prix annuel sur des bases solides qui vont lui permettre d’occuper une place significative à l’échelle nationale. (Voir le texte complet du Gouverneur général.)
L’ex-Gouverneur général Roland Michener, dont le prix porte le nom, a aussi assisté à cette cérémonie. Il a remercié « ceux et celles qui ont supporté une récompense qui reconnaît et encourage cette forme de journalisme bénéficiant à l’ensemble de la société ».
Il s’agissait de la toute première cérémonie de remise de prix sous la nouvelle organisation appelée « The Michener Awards Foundation/La Fondation des Prix Michener ». Paul Deacon, le président de cette Fondation, a rendu hommage au Très Honorable Roland Michener « pour avoir reconnu et encouragé l’excellence au sein du journalisme canadien ». M. Deacon a aussi honoré Clark Todd, chef de bureau du réseau CTV à Londres, qui a été tué en septembre dernier alors qu’il assurait la couverture de la guerre civile au Liban. Un prix spécial sera attribué l’an prochain pour reconnaître sa contribution au journalisme canadien.
Mention spéciale :

Le quotidien Hamilton Spectator a reçu la mention spéciale pour ses articles émouvants qui ont permis de remédier à la pénurie de bénévoles et au manque de fonds nécessaires pour aider les malades en phase terminale de la municipalité régionale de North Halton.
Le journaliste Michael Davie a réalisé deux reportages percutants sur le sujet et a lui-même pris les photos qui ont illustré ces reportages, puisqu’il était le seul représentant du Spectator dans cette municipalité. Il a entre autres décrit les efforts d’une femme pour convaincre la municipalité de créer une unité de soins palliatifs pour venir en aide aux malades en phase terminale. Son travail a permis de faire accepter le projet et d’en assurer le financement.
Des mentions d’honneur ont été remises à :

L’Edmonton Journal, pour avoir réalisé une enquête rigoureuse et en profondeur sur les effets de la pollution industrielle causée par l’usine de traitement des sables pétrolifères de la société Suncor, opérant dans le Nord de l’Alberta. Les articles reflètent bien la recherche exhaustive des données recueillies par le journaliste Ed Struzik. Il a interviewé des responsables de la société Suncor et du gouvernement, ainsi que des personnes vivant dans les collectivités touchées par cette pollution. Il a effectué un voyage de 10 jours en canot dans le delta de l’Athabaska pour voir la situation de ses propres yeux. Il a assisté à un procès pour pollution à Fort McMurray et a obtenu des documents confidentiels de sources gouvenementales. Ses reportages ont forcé les autorités à mettre en place plusieurs mesures correctives, dont des accusations de pollution contre la société Suncor et la tenue d’une enquête sérieuse sur le sujet.

Le Globe and Mail, pour une série d’articles en provenance de la Nouvelle-Ecosse et décrivant la situation de Donald Marshall, un Micmac qui a passé onze ans en prison pour un meurtre dont il était innocent. Condamné à la prison à vie en 1971, Marshall n’a cessé d’affirmer son innocence dans la prison de Dorchester et a fini par être mis en liberté conditionnelle de jour le 29 mars 1982.
Une fois libre, il est demeuré dans l’ombre jusqu’à ce que le journaliste Michael Harris, du Globe and Mail, l’eût persuadé au bout de cent heures d’entretien de faire entendre sa voix. L’article publié le 12 juin 1982 racontait l’épreuve carcérale d’un homme condamné à vie à l’âge de 17 ans et signalait la découverte par la Gendarmerie royale du Canada de nouveaux faits appuyant ses dires d’innocence. L’article a fait vite réagir l’appareil judiciaire. Le ministre fédéral de la Justice a donné une directive à la division des appels de la Cour suprême de Nouvelle-Ecosse de se saisir de l’affaire. D’autres articles du Globe and Mail ont assuré à Marshall l’appui dont il avait grand besoin aux fins de sa transition à la vie civile. Le point culminant est survenu en février 1983 quand Marshall, enfin acquitté, est devenu un homme tout à fait libre.
La station CBOFT (Radio-Canada) à Ottawa, pour une production télévisée montrant le talent et les habiletés insoupçonnées de personnes handicapées, et comment ces personnes pouvaient apporter leur contribution à la société. La série « On est comme on est » a été écrite, interprétée et réalisée par des personnes handicapées pour accroître leur confiance en elles-mêmes tout en montrant leur courage et leur talent. En montrant cette production à la télévision, la réalisatrice, Line Robinson, et son équipe ont permis au public de vivre à l’heure des personnes handicapées et, à ces dernières de ne pas sombrer dans l’oubli après l’année internationale qui leur avait été consacrée.
La station CKTV de Regina, pour une série de documentaires d’une heure chacun qui expliquaient les responsabilités de la famille dans les années 1980. Ces émissions ont jeté un regard ému et pénétrant sur le suicide, sur son alarmante augmentation, surtout chez les jeunes, ainsi que sur ses répercussions auprès des gens et des familles. Le ministre provincial de l’éducation a admis que ces films avaient exercé un impact important sur les jeunes en les rendant conscients qu’il y a d’autres solutions que le suicide à leurs problèmes.
Album de photos de la soirée

De gauche à droite: Helena Szybalski ; Peter Carter, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Manitoulin Expositor ; Son excellence le Gouverneur général Ed Schreyer ; l’ex-Gouverneur général Roland Michener ; ainsi que Son excellence Lily Schreyer lors de la érémonie de remise du Prix Michener à Rideau Hall.

Ed Struzik reçoit une mention d’honneur décernée au quotidien Edmonton Journal pour une série de 86 articles consacrés à l’impact et aux conséquences de la pollution industrielle créée par le traitement des sables bitumineux de la compagnie Suncor à son usine située au nord de l’Alberta.

Michael Davie reçoit une mention d’honneur accordée au Hamilton Spectator pour un reportage à caractère humain qui a eu pour effet de faire augmenter le nombre de bénévoles de même que l’argent nécessaire pour venir en aide aux patients en phase terminale de la municipalité de North Halton.

Michael Harris reçoit une mention d’honneur décernée au Globe and Mail (Toronto) pour ses articles en faveur de Donald Marshall, un Indien Micmac de Nouvelle-Ecosse, qui a passé 11 années en prison pour un meurtre qu’il n’avait pas commis.

Murray Chercover, président du réseau CTV et membre du conseil d’administration de la Fondation Michener, est accueilli à Rideau Hall par Son Excellence le Gouverneur général Ed Schreyer, l’ex-Gouverneur général Roland Michener, ainsi que Son Excellence Lily Schreyer.

Bill MacPherson, secrétaire exécutif de la Fondation Michener, est accueilli à Rideau Hall par Son Excellence le Gouverneur général Ed Schreyer, l’ex-Gouverneur général Roland Michener, ainsi que Son Excellence Lily Schreyer lors de la cérémonie de remise du Prix Michener à Rideau Hall.
Le jury des Prix Michener 1982 :
Fraser MacDougall, secrétaire exécutif du Conseil de presse de l’Ontario; Emery LeBlanc, ex-rédacteur en chef de l’Evangéline et ex-directeur des relations publiques de Via Rail; Charles Edwards, ex-directeur général de Broadcast News (décédé la semaine après avoir assumé cette responsabilité); et Marcel Gingras, ex-rédacteur du journal Le Droit.
Le prix Michener est presenté chaque année depuis 1970, date à laquelle il a été créé par Roland Michener, le Gouverneur général de l’époque. Il a pour but de reconnaître l’excellence en matière de journalisme d’intérêt public au Canada.