Ottawa, le lundi 6 mai 1996. La station radiophonique CBC, d’Ottawa, a remporté le Prix Michener 1995 pour une enquête en profondeur montrant que les autorités militaires avaient dissimulé de l’information concernant l’infâme histoire de la Somalie.
La station radiophonique était au nombre des cinq finalistes de cette année pour le Prix Michener. Ces finalistes, de même que les deux récipiendaires d’une Bourse Michener-Deacon, ont été honorés lors d’une cérémonie, suivie d’un souper, présidée par leurs excellences, l’Honorable Roméo LeBlanc, Gouverneur général du Canada, et Madame Diane Fowler LeBlanc.
En décembre 1992, dans le cadre d’une mission de paix militaire appelée « Opération Libération », 900 soldats canadiens ont été envoyés en Somalie avec le mandat de ramener l’ordre dans le chaos dans lequel était plongé ce pays d’Afrique de l’Est. La région était à la fois déchirée par la famine et par une guerre civile. Cependant, les troupes qui devaient ramener l’ordre sont vite devenues le sujet de révélations troublantes de mauvaise conduite, d’indiscipline, ainsi que d’absence de leadership et d’irresponsabilité
Le tout a débuté en 1993 avec la torture et l’assassinat d’un adolescent et a conduit à une enquête publique sur des allégations voulant qu’une opération de camouflage, incluant la destruction de preuves, était connue au plus haut niveau des autorités militaires et du ministère de la Défense.
Les journalistes de la CBC, à Ottawa, ont mené leur propre enquête sur ces allégations de dissimulation et de destruction de documents compromettants. Leur enquête a nécessité à plusieurs reprises le recours aux mécanismes de la Loi d’accès à l’information et s’est souvent heurtée aux obstacles que l’appareil militaire opposait à cet accès. Le Commissaire fédéral à l’information a même dû s’adresser à la Cour fédérale pour déterminer si la Commission d’enquête sur les incidents de la Somalie pouvait empêcher les médias de recourir à la Loi d’accès à l’information.
C’est le journaliste Michael McAuliffe qui a accepté le prix Michener au nom de ses collègues. Il a été le principal reporter dont le travail a conduit à la création d’une Commission d’enquête gouvernementale, à laquelle le gouvernement libéral devait éventuellement mettre fin.
Il y a eu au total 57 candidatures pour le Prix Michener 1995. Le Gouverneur général Roméo LeBlanc a affirmé que « les Prix Michener ne reconnaissaient pas seulement l’excellence, mais aussi l’intérêt public. Et peut-être aussi, ces Prix mettent-ils en lumière des qualités traditionnelles comme l’intégrité, la détermination et le souci des autres ». (Voir le texte intégral de son allocution lors de la remise du Prix)
La Bourse Michener-Deacon 1996 a été remise à deux candidats, Heather Abbott et Jamie Swift.
Heather Abbott, première réalisatrice à l’émission d’actualités « Sunday Morning » à l’antenne de la radio de la CBC, consacrera ses énergies à l’étude des conséquences de l’abandon progressif par le gouvernement fédéral de son rôle historique de leader. Dans son synopsis de projet, la journaliste affirme « que l’érosion petit à petit du rôle de l’état est un sujet d’inquiétude dans presque toutes les démocraties occidentales. Au Canada, le phénomène a engendré un contexte explosif et donné un nouvel essor à la croisade en faveur de la souveraineté du Québec ».
L’autre récipiendaire de la bourse Michener- Deacon, Jamie Swift, écrivain et auteur pigiste, compte publier un essai sur « les cinquante ans du Canada à titre de protagoniste de l’histoire internationale, en s’intéressant en particulier à la manière dont notre pays répond aux besoins des démunis et des nations les plus défavorisées ». M. Swift bénéficiera de la collaboration de l’Université Queen’s pour mener à bien son projet.
Voici les autres finalistes du Prix Michener :
Le Vancouver Sun a reçu une mention spéciale : 1) pour une série d’articles sur la distribution excessive, la prescription à outrance et la surconsommation des drogues légales au Canada; ces articles ont amené le gouvernement de la Colombie-Britannique à interdire aux entreprises pharmaceutiques de recourir aux dossiers des médecins pour promouvoir la vente de leurs produits;
2) pour une enquête qui a mis à jour le scandale du « Bingogate », une affaire de détournement, au profit d’une société aujourd’hui dissoute, des recettes de 58 organismes de bienfaisance de Nanaimo par un membre influent du Nouveau Parti Démocratique de la Colombie-Britannique; grâce à cette enquête, les organismes floués obtiennent maintenant réparation.
Des mentions d’honneur ont été remises à :
La Presse canadienne, pour une enquête sur un témoignage entendu lors des audiences de la commission Krever sur le sang contaminé, qui a mené à un reportage sur la maladie de Creutzfeldt-Jacob — une obscure affection du cerveau tout aussi mortelle que le virus du SIDA à I’origine du scandale — et qui a poussé le gouvernement fédéral à décréter le plus important rappel de produits sanguins de I’histoire canadienne.
Le Toronto Star, pour une série d’articles sur I’incurie financière du gouvernement ontarien en matière de logement public, incurie qui a amené le gouvernement actuel à supprimer I’important programme destiné à fournir un gîte aux Ontariens défavorisés ou de la classe moyenne.
The Province, de Vancouver, pour une série d’articles qui ont tenté d’expliquer le grand nombre de sans-abri atteints de déficience mentale dans les rues de Vancouver. Ayant reçu un appui considérable de la part de la population, ces articles ont amené le gouvernement à réviser sa décision de réduire le financement de I’unique établissement psychiatrique de soins tertiaires de la province.
Album de photos de la soirée
Deborah McDougall accepte une mention d’honneur du
Gouverneur général Roméo LeBlanc au nom de la Presse canadienne pour
sa couverture de l’enquête Krever sur le scandale du sang contaminé.
Kevin Donovan reçoit une mention d’honneur du Gouverneur
général au nom du Toronto Star pour une série d’articles sur la
mauvaise gestion du gouvernement de l’Ontario dans son programme de
logements sociaux.
Mark Hume accepte la mention spéciale au nom du Vancouver
Sun pour des séries d’articles sur la distribution et la
prescription excessives de médicaments au Canada ainsi que sur le
scandale du « Bingogate ».
Ann Rees reçoit une mention d’honneur des mains du
Gouverneur général Roméo LeBlanc au nom du quotidien The Province
pour une série d’articles consacrés aux malades mentaux sans abri à
Vancouver.
Vancouver Sun; Deborah McDougall, de la Presse canadienne; Ann Rees,
du quotidien The Province; Son Excellence Diane Fowler LeBlanc; Son
Excellence Roméo LeBlanc; Margaret Munro, du Vancouver Sun; Michael
McAuliffe, du réseau radiophonique CBC ; Kevin Donovan, du Toronto
Star; Jamie Swift, Boursier 1996.
Le jury des Prix Michener 1995 :
Jeannine Locke, ex-journaliste du Saskatoon Star-Phoenix, du Ottawa Citizen et du Toronto Star, cinéaste à la CBC jusqu’à sa retraite; Marilyn MacDonald, autrefois journaliste de magazine dans les provinces de I ‘Atlantique et pour la CBC, ex-directrice des relations publiques à l’Université Dalhousie à Halifax; Arch MacKenzie, ex-correspondant en chef à Ottawa pour la Presse canadienne et le Toronto Star (président du jury); Kevin Peterson, ex-éditeur du Calgary Herald; Guy Rondeau, ex-chef de bureau de la Presse canadienne, à Montréal.
Le jury de la Bourse Michener-Deacon 1996 :
Sandy Baird, ex-éditeur du Kitchener-Waterloo Record; Françoise Côté, auteure et journaliste, Montréal; l’honorable D. Keith Davey, sénateur (président du jury); Barry Mullin, ex-ombudsman du Winnipeg Free Press, actuellement chargé de cours en journalisme à l’Université de Winnipeg; Jodi White, vice-présidente des affaires publiques chez Imasco Limitée, présidente du Forum des politiques publiques.
Le Prix Michener porte le nom de l’ex-Gouverneur général du Canada, Roland Michener. Il vise à promouvoir le perfectionnement en journalisme et à sensibiliser l’intérêt du public par le truchement de valeurs profitant à la collectivité.