
C’est avec ce que j’appellerais un triple plaisir que je souhaite à nouveau la bienvenue à Rideau Hall aux représentants des médias pour ce qui est devenu, vous le savez, un rendez-vous annuel. Je parle d’un triple plaisir même si je sais bien que les médias sont attirés par un autre chiffre. Ceux qui sont familiers avec la consommation historique moyenne des journalistes, dans toutes les occasions où ils se retrouvent, doivent parfois se demander pourquoi cette profession ne se désigne pas elle-même comme le « cinquième pouvoir« . Je n’en suis pas certain, toutefois, mais le légendaire Bob Edwards, s’il jetait un coup d’œil vers ceux qui sont réunis ici, trouverait sans doute que ses collègues de 1982 forment un groupe vraiment sobre…
Plus sérieusement maintenant, mon épouse et moi avions hâte à cette soirée. Premièrement, nous avons le grand plaisir d’accueillir nos prédécesseurs, le Très Honorable Roland Michener et Madame Michener. Nous sommes honorés qu’ils se joignent à nous pour la présentation de ce Prix qui porte leur nom.
Je voudrais profiter aussi de cette occasion pour féliciter Monsieur Michener des succès remportés récemment au Mont Everest par l’équipe de Canadiens dont il était le parrain.
Deuxièmement, c’est également un plaisir d’accueillir et de féliciter les journalistes ici présents qui sont considérés comme étant les récipiendaires des Prix Michener 1981, et bien sûr j’adresse des félicitations spéciales aux grands gagnants.
Plusieurs croient, et c’est certainement le cas pour la plupart, sinon tous ceux et celles qui travaillent au sein des médias, que la liberté de presse est la pierre d’assise de toutes nos libertés. Parmi les quatre principales libertés identifiées par le président Roosevelt lors de la seconde guerre mondiale, la liberté de presse, plus précisément la liberté d’expression, est perçue comme le thermomètre des autres libertés. Ce n’est peut-être pas toujours le cas, mais il est généralement évident que là où on trouve une presse non entravée dans son travail par quelque autorité que ce soit, sauf pour les lois qui régissent le libelle, la diffamation, la discrimination raciale, etc… généralement donc là où la liberté de presse existe, on trouve aussi les autres libertés dont on est fier et qui sont bien protégées. J’ose espérer que tout le monde croit que c’est précisément le cas au Canada, un merveilleux pays libre.
Je poursuivrais en disant, du moins je le pense, que la liberté de presse doit exister simultanément avec ce que je considère un droit fondamental et essentiel dans une démocratie comme celle dont nous bénéficions et que nous chérissons, et il s’agit du droit du public à l’information. Comme nous le savons, la démocratie implique la liberté pour les citoyens de choisir ceux et celles qui vont les gouverner, ce qui, par définition, implique la possibilité de choisir parmi plusieurs options. Parmi les choix qui sont offerts à la population ayant le droit de vote il y a entre autres celui du parti qui exerce le pouvoir.
Il y a des moments où une personne et/ou un parti politique est choisi par la population parce que cette personne et/ou ce parti apparaît clairement comme le meilleur choix, mais je crois que généralement, et je croirais qu’il existe un consensus à ce sujet, spécialement dans une société pluraliste comme la nôtre, que les voteurs expriment leur choix sur la base de ce qu’ils voient comme étant la meilleure option.
Dans tous les cas, cependant, le droit inaliénable des citoyens à une information complète et libre relativement à toutes les options qui s’offrent à eux est fondamental. Les citoyens doivent avoir accès à l’information en ce qui concerne les options qui leur sont offertes, les partis en présence et les personnes qui sont candidates… à la fois entre et pendant les élections.
Les médias sont les porteurs de cette information ; ceux qui écrivent, qui éditent ou qui diffusent les nouvelles sont en position de décider quelles informations rejoindront la population. Ils décident des priorités de ces informations, aussi bien que de l’équilibre de ces mêmes informations.
C’est une lourde responsabilité. La présomption de la responsabilité de s’assurer que le droit de la population d’être informée est assumé dans les meilleurs intérêts de cette population et de la démocratie est un principe qui doit être exercé avec le plus grand sens de la liberté et de l’honnêteté. Et on serait porté à ajouter « avec un immense sens de la discipline personnelle« . N’existe-t-il pas un proverbe à l’effet que « la liberté est la richesse de la discipline personnelle ?« . Ce qui signifie, par le fait même, que la liberté n’est pas une licence sans limite pour un journaliste de faire tout ce qu’il pense sans une volonté de respecter les droits des autres.
Winston Churchill a déjà dit que la démocratie même imparfaite est le meilleur système de gouvernement jamais implanté par l’homme. Ce qui signifie que notre système de même que la démocratie qui constitue l’assise de notre système nécessite une attention particulière, spécialement de la part de ceux et celles sur qui reposent le respect des libertés et des droits fondamentaux, comme la liberté de la presse et le droit du public à l’information.
Nous désirons féliciter tous les membres des médias d’information pour les services qu’ils rendent à la cause de la démocratie. Nous devons nous efforcer continuellement de corriger les imperfections auxquelles faisait référence Winston Churchill. Il n’existe pas de meilleure façon de dire « Merci« pour la liberté dont jouit la presse dans la démocratie canadienne.
Merci.
Le Très Honorable Edward Schreyer,
Gouverneur général du Canada,
Rideau Hall, Ottawa,
le 6 novembre 1982.
