Avril 1999
Je suis très heureux de rapporter que j’ai accompli les objectifs de ma demande de bourse – mener à terme la rédaction d’un livre destiné au grand public sur la génétique, et collaborer avec certains groupes universitaires canadiens, et que j’ai passé une période extrêmement enrichissante sur le plan personnel. Dommage que le temps ait passé si vite!
Lorsque j’avais postulé pour la bourse en février 1998, j’avais exprimé mes objectifs ainsi: la bourse me permettrait de consolider des contacts avec certains chercheurs universitaires, et de terminer un livre, alors en chantier, sur l’impact social de la génétique.
J’expliquais alors qu’en tant que journaliste scientifique, j’avais suivi depuis 15 ans les développements dans le domaine de la génétique. En plus de reportages de l’émission Découverte, à la télévision de Radio Canada, j’ai en effet eu l’occasion de signer sur ce thème plusieurs reportages du magazine Québec Science, ainsi qu’un dossier d’une heure, diffusé à Radio-Canada en novembre 1993.
A travers ces expériences, il me semblait important d’éclairer le public sur ces enjeux scientifiques qui auront de profondes conséquences sociales et éthiques au cours du siècle prochain. Je désirais donc écrire un livre, destiné à un large public non spécialisé, portant sur les enjeux sociaux et éthiques de la génétique humaine au Canada.
J’avais précisé que l’essentiel de la recherche de ce livre était déjà fait, que quelques chapitres étaient en chantier et que je n’avais pas de contrat avec un éditeur. J’écrivais que « grâce à la bourse, j’aimerais compléter ma recherche auprès de certains groupes universitaires canadiens, et me consacrer à plein temps à l’écriture finale du livre ».
En accord avec mon employeur, j’ai pris mon congé d’octobre 98 à janvier 1999. J’ai par ailleurs prolongé de deux mois mon congé sans solde, pour revenir à mon poste à Radio-Canada le 29 mars dernier.
Dans un premier temps, tout en me lançant avec enthousiasme dans la rédaction, j’ai complété ma recherche auprès de certaines équipes universitaires hors Québec que je connaissais moins. J’ai notamment contacté par e-mail et téléphone le Joint Centre for Bioethics de l’Université de Toronto et le Canadian Diseases Genetic Network, basé à Vancouver.
Début décembre, j’ai reçu une invitation à donner une conférence lors d’un atelier de communication à l’intention des scientifiques d’Environnement Canada, à Toronto, pour un séminaire de deux jours. J’ai pu profiter de ce séjour à Toronto pour prendre des contacts directs avec des chercheurs. J’ai notamment fait une longue interview avec le professeur Lap-Chee Tsui, généticien en chef de l’Hospital for Sick Children de Toronto, figure centrale du projet génome humain qui est au centre de mon livre.
J’avançais alors très régulièrement dans mon écriture. Mais écrire un livre destiné au grand public sur la génétique pose de grands défis. Il faut vulgariser pour un public qui n’a pas de formation en biologie, raconter des histoires de manière journalistique et crédible, jauger l’actualité, être à !’aise avec les débats sociaux et éthiques, etc.
Fin janvier, j’avais écrit 180 pages, mais j’étais un peu embourbé dans les derniers chapîtres… et ma bourse était déjà finie! Le temps avait passé beaucoup plus vite que je ne !’avais pensé.
Heureusement, je disposais d’un congé supplémentaire personnel de deux mois, ce qui m’a permis de terminer mon manuscrit. Je suis rétourné au Centre de Bioéthique de l’institut de recherches cliniques de Montréal, qui m’avait déjà permis de profiter de son petit mais précieux centre de documentation – c’est un lieu à mon avis assez unique au Canada. En février, j’ai pu discuter à plusieurs reprises avec un assistant de recherches, Jean-Philippe Lavoie, et avec le directeur du Centre, le docteur David Roy. A tel point que ces discussions stimulantes m’ont donné le dernier élan pour achever la rédaction de mon livre.
Depuis, j’ai envoyé mon manuscrit à plusieurs maisons d’édition et j’ai reçu plusieurs offres de publication de la part d’éditeurs québécois. étant actuellement en négociation de mes droits d’auteur, je ne suis pas encore en mesure d’annoncer dans quelle maison d’édition le livre paraîtra, mais je suis maintenant assuré qu’il sera publié, vraisemblablement cet automne. Un contact prometteur ayant été initié avec un éditeur français, il est possible qu’il y ait une co-édition pour le marché français.
Enfin, – retombée indirecte de ce travail – le magazine Québec Science m’a proposé de tenir dans ses colonnes une chronique intitulée Planète ADN, dans laquelle je commenterai librement l’actualité en génétique et qui devait débuter en juin prochain.
En résumé, la bourse Michener-Deacon m’a permis de passer un moment exceptionnel dans la carrière d’un journaliste: une période de quatre mois détachée des préoccupations quotidiennes du reportage, et une occasion de faire le point d’une manière publiquement utile, puisqu’il s’agissait d’écrire un livre pour le grand public. Qui plus est, j’ai eu la chance de me pencher sur une des avancées les plus fulgurantes de la science, la génétique humaine, qui aura de profondes répercussions sociales et éthiques sur nos sociétés. Sans la bourse, je n’aurais pas pu écrire ce livre. J’enressors avec une vision plus approfondie de la science, et avec un intérêt renouvelé envers le journalisme.
Je regrette seulement que le temps passe trop vite et que les quatre mois de la bourse m’aient obligé à des choix sévères d’emploi du temps. Par exemple, j’ai dû décliner une proposition de donner un séminaire à l’école supérieure de journalisme de Lille, en France, dans sa section «journalisme scientifique », sur la génétique. J’aurais pu aussi m’intéresser à d’autres initiatives du milieu scientifique au Canada, ce qui aurait été bénéfique pour moi, pour la renommée de la bourse, et aussi pour mon employeur Radio-Canada. De retour à mon poste, je n’ai plus la liberté de songer à ces projets.
En ce sens, si je puis me permettre une suggestion, l’extension de la bourse pour permettre six mois de travail plutôt que quatre, me semblerait être un investissement très valable pour la Fondation. L’impact et le renom de la bourse n’en seraient que plus grands.
Vous remerciant sincèrement une fois de plus de l’opportunité que vous m’avez donnée et de votre confiance, je vous prie de croire en l’expression de mes sentiments distingués.
Jean-Pierre Rogel,
Journaliste,
émission Découverte,
Télévision de Radio-Canada
La bourse de la Fondation des Prix Michener, instituée en 1987, est aujourd’hui connue sous le nom de la Bourse Michener-Deacon (du nom de l’ancien gouverneur général et de celui du regretté Paul Deacon, un gestionnaire supérieur des médias qui fut aussi président de la Fondation). Elle a pour but de promouvoir les études en journalisme ainsi que les valeurs qui favorisent le service à la collectivité. Une ou deux bourses sont décernées annuellement à des journalistes d’expérience afin de leur permettre de prendre un congé d’études de quatre mois pour se perfectionner sur le plan du journalisme au service de la collectivité.