Ottawa, (le 7 novembre 1986). Le Toronto Star et le Globe & Mail sont les co-récipiendaires du Prix Michener 1985 accordé annuellement pour reconnaître l’excellence en journalisme d’intérêt public au Canada. Le Globe & Mail a été honoré pour ses reportages consacrés aux problèmes spéciaux rencontrés par les immigrants « invisibles« , tandis que le Toronto Star a été récompensé pour une série d’articles sur les minorités ethniques de la région de Toronto.
Au cours d’une cérémonie qui a eu lieu à Rideau Hall sous la présidence de la Gouverneure générale Jeanne Sauvé, les récompenses ont été remises à Olivia Ward, qui représentait le Toronto Star, et Victor Malarek, qui remplissait le même rôle pour le Globe & Mail. Tous les deux étaient les auteurs des articles qui ont été jugés les meilleurs parmi les 59 candidatures soumises par des organismes de presse provenant de partout au pays. Il s’agissait d’un nouveau record de candidatures, au sujet desquelles les membres du jury ont dit qu’elles étaient aussi d’un niveau de qualité encore jamais atteint.
En présentant les Prix Michener, la Gouverneure générale a déclaré que les gagnants avaient fait preuve d’un degré élevé de professionnalisme, d’une sensibilité hors de l’ordinaire à l’endroit de sujets délicats, et qu’ils avaient réussi à traduire des éléments factuels et des anecdotes dans un langage à la fois intéressant, facile à lire et informatif. (Voir le texte complet de la Gouverneure générale)

La présidente de la soirée a aussi rendu hommage à l’un de ses prédécesseurs, l’ex-Gouverneur général Roland Michener, qui participait à l’événement. Celui-ci a reçu un Prix Michener « spécial« pour avoir été l’initiateur de ce prestigieux prix de journalisme, qui porte d’ailleurs son nom, et pour son appui constant à la Fondation Michener. Madame Sauvé l’a félicité « pour avoir créé cette occasion unique qui permet, au moins une fois par année, de pouvoir légitimement applaudir le travail des médias d’information« .
Le journaliste du Globe & Mail, Victor Malarek, a dirigé ses efforts vers des immigrants entrés illégalement au Canada, sur des réfugiés à la recherche d’un pays qui leur offrirait une plus grande sécurité et sur des entrepreneurs qui sont venus au pays en promettant d’y faire des investissements financiers. Les trois séries d’articles comprenaient :
– pour la première, il s’agissait d’un examen de la situation des immigrants illégaux qui vivent clandestinement et qui sont exploités par des avocats, des consultants en matière d’immigration et des employeurs ;
– la seconde s’intéressait au traitement des immigrants illégaux, dont certains réclamaient le statut de réfugiés, lesquels étaient gardés dans un centre de détention de la région de Toronto. Les articles ont démontré que les conditions de détention dans ce centre ne répondaient même pas aux règles minimum exigées par les Nations Unies pour le traitement des prisonniers. Les reportages ont amené la libération des personnes détenues et la fermeture éventuelle du centre ;
– la troisième série d’articles s’est intéressée au programme du gouvernement canadien visant à accorder un statut d’immigrant reçu aux entrepreneurs, à condition que leurs investissements servent à créer des emplois au pays. Beaucoup de ceux qui croyaient acheter leur entrée au pays se sont retrouvés victimes d’avocats ou de consultants sans scrupule. D’autres avaient fait des promesses d’investissements qu’ils n’avaient pas l’intention de tenir. Le gouvernement canadien a réagi aux articles du journal en resserrant les contrôles du programme « immigrants investisseurs« .
La série de huit articles du Toronto Star au sujet de la fibre multiculturelle de la capitale ontarienne a été réalisée en assumant qu’une plus grande connaissance des minorités ethniques serait de nature à réduire les préjugés à son endroit. Les articles ont été publiés dans l’édition du dimanche du journal.
Les reportages ont tracé un portrait émouvant de sept différentes communautés culturelles et sont arrivés à la conclusion que la situation multiculturelle de Toronto « n’était pas parfaite, mais qu’elle fonctionnait« . Cette conclusion faisait suite à trois mois de recherches intensives, dont 1400 entrevues. La journaliste Olivia Ward a aussi rapporté que 56 % des résidents de la région métropolitaine de Toronto faisaient partie de minorités ethniques et elle a tenté de découvrir pourquoi ils étaient sous-représentés dans les emplois supérieurs. La réponse n’était pas simple, et elle a eu plusieurs surprises en cours de route.
Une brochure contenant les huit articles a généré de très nombreuses demandes de la part des Commissions scolaires de même que des organismes de services communautaires. Les reportages ont aussi été l’objet d’un Forum organisé par le Toronto Star ainsi que d’une rencontre du Ministère de l’éducation de l’Ontario sur le thème des minorités.
Le travail réalisé par trois autres journaux quotidiens a aussi été reconnu lors de la cérémonie à Rideau Hall.
Une mention spéciale a été accordée :
– au quotidien St. Catharines Standard pour une série d’articles au sujet d’un scandale sexuel dans des toilettes publiques. En janvier 1985, l’arrestation de 32 hommes accusés de s’être livrés à des activités sexuelles dans des toilettes publiques à servi de toile de fond au journal pour une enquête intelligente et en profondeur sur l’ensemble de cette affaire. A la suite du suicide de l’un des accusés, la police avait publié les noms de tous les autres accusés. Contrairement à la plupart des médias d’information de la région, le St. Catharines Standard a choisi de ne publier aucun de ces noms parce qu’il croyait que la « punition sociale« d’une telle publicité était disproportionnée par rapport à la « punition légale« , particulièrement dans la perspective d’un éventuel acquittement. La découverte d’un lien entre le suicide et les arrestations est devenue un sujet d’intérêt national et d’un large débat. Les articles ont permis aux lecteurs de mieux comprendre les problèmes des homosexuels, ont placé les accusations dans leur réelle perspective et ont amené la Commission de police de la région de Niagara à mettre fin à ce genre d’arrestations massives.
Le journal avait assigné une équipe de journalistes formée de Michael Clarkson, Kevin McMahon, Kevin Cavanagh et Doug Herod pour découvrir non pas qui était impliqué dans cette histoire, mais plutôt les quoi, les pourquoi, les où et les comment de ces incidents. Les articles ont ému les citoyens de la région, ce que prouvent bien plus de 400 appels téléphoniques reçus par le journal dans les deux semaines suivant leur publication.
Des mentions d’honneur ont été accordées :
– au quotidien Kitchener-Waterloo Record pour une série d’articles rédigés par le journaliste spécialisé en agriculture et en alimentation Jim Romahn sur les problèmes rencontrés dans le domaine de l’agriculture et touchant plusieurs organismes, dont plus particulièrement la Commission canadienne du lait, la Société canadienne de crédit agricole et l’Agence canadienne des œufs. Le travail de ce journaliste a couvert beaucoup de terrain et incluait beaucoup de recherches. Le Kitchener-Waterloo Record s’est mérité trois Prix Michener depuis 1978, en plus de cette citation de mérite cette année ;
– au quotidien Calgary Herald pour une enquête approfondie sur des sociétés et des personnes ayant bénéficié de crédits d’impôt dans le cadre d’un programme fédéral de recherche scientifique entre octobre 1983 et le 31 décembre 1985. Deux journalistes, Bob Beaty et Kaye Dunn, ont consacré deux années à enquêter sur trois sociétés de l’Alberta, Bechtold Resources, Hol-Sims Farms et Albion Micro-Electronics. Leur enquête, menée sous la menace d’actions en libelle de la part d’une de ces firmes, a révélé l’usage abusif des fonds gouvernementaux, qui n’étaient peu ou pas utilisés à des fins de recherche. A la suite des reportages du journal, Revenu Canada a entrepris des recours légaux et a récupéré un total de 32 $ millions des trois firmes impliquées.
Le jury des Prix Michener 1985 était formé de:
Fraser MacDougall, secrétaire exécutif du Conseil de presse de l’Ontario; Bill Boss, ex-directeur des relations publiques de l’Université d’Ottawa; Emery LeBlanc, de Montréal, ex-éditeur de L’Evangéline et actuel directeur des relations publiques de Via Rail; William Metcalfe, ex-rédacteur en chef et directeur de la rédaction du Winnipeg Free Press et du Ottawa Journal; et Robert Nielson, de Perth-Andover, au Nouveau-Brunswick.
Le Prix Michener est la seule récompense en journalisme canadien qui porte le nom d’un Gouverneur général et cette récompense est attribuée à une organisation de presse plutôt qu’à un ou des journalistes. Ce prix vise à reconnaître et promouvoir l’excellence en journalisme d’intérêt public au Canada. Le concours est ouvert aux organismes de presse, grands ou petits, journaux quotidiens, périodiques, réseaux ou stations de radio et de télévision.