Ottawa, le 6 Novembre 1987. Le Globe and Mail est le récipiendaire du Prix Michener 1986 pour une série d’articles et d’éditoriaux ayant eu un impact déterminant dans la décision du gouvernement fédéral d’abandonner un amendement au Code criminel qui interdisait la publication de renseignements sur les fouilles et les descentes policières sans le consentement de chacune des personnes soupçonnées d’avoir trempé dans un délit. Le journal avait soutenu que cet amendement menaçait sérieusement la liberté de la presse et le droit du public à l’information.
Ce prix qui est décerné annuellement pour reconnaître et promouvoir l’excellence en journalisme d’intérêt public a été présenté par la Très Honorable Jeanne Sauvé, Gouverneure générale du Canada, lors d’une cérémonie à Rideau Hall. C’est le directeur de l’information du Globe and Mail, Geoffrey Stevens, qui a accepté le prix au nom de son journal.
Madame Sauvé a félicité les journalistes mis en nomination aujourd’hui ainsi que les gagnants « pour votre habileté et votre capacité à utiliser votre pouvoir dans un contexte hautement compétitif et au profit d’une société qui vous demande de faire la preuve qu’il y a encore de la place pour vous dans un monde qui exige des analyses en profondeur et des jugements critiques« , a-t-elle dit. (Voir le texte complet de la Gouverneure générale)
Le Kingston Whig-Standard a aussi obtenu une mention d’honneur, tandis que le Regina Leader-Post, le Kitchener Waterloo-Record et le St. Catharines Standard ont tous reçu des citations de mérite (voir les détails ci-dessous).
Le Globe and Mail, bien appuyé par ses journalistes, ses annonceurs et de nombreux organismes publics, a publié des éditoriaux vigoureux exigeant rien de moins que le gouvernement canadien abandonne son amendement. Le journal a aussi dévoilé des renseignements au sujet de mandats de perquisition qui étaient interdits de publication. Lorsque la Couronne est demeurée silencieuse sur le sujet, le journal s’est adressé à la Cour suprême de l’Ontario pour écarter cet amendement, invoquant le fait qu’il violait la Charte des droits et libertés de la personne.
Le 1er août, Monsieur le juge John Osler a été d’accord avec le journal, ordonnant au gouvernement de rayer son amendement. Malgré des rumeurs au sujet d’un appel possible de cette décision, le Globe and Mail publiait, le 23 août, que le gouvernement avait décidé de ne pas faire appel de ce jugement et d’abandonner son amendement.
En recevant le Prix Michener 1986, Geoffrey Stevens a déclaré « qu’il était très rare qu’un journal puisse forcer un gouvernement à modifier l’une de ses lois ». Les différents articles de cette série ont été écrits par Peter Moon, tandis que les éditoriaux ont été rédigés par William Thorsell.
Au total, 74 organisations de presse, journaux, magazines et média électroniques avaient soumis leur candidature.
Paul Deacon, le président de la Fondation des Prix Michener, a aussi annoncé que Moira Farrow, du Vancouver Sun, et Roger Bainbridge, du Kingston Whig Standard, étaient les récipiendaires des Bourses Michener pour 1987.
Pour la première fois depuis la création des Prix Michener en 1970, des bourses d’études ont aussi été attribuées. Destinées à des journalistes d’expérience, ces bourses permettront aux gagnants de bénéficier d’un congé de quatre mois, à l’extérieur de leur travail quotidien, afin de parfaire leurs connaissances professionnelles.
Moira Farrow, 49 ans, née en Angleterre, est journaliste au Vancouver Sun depuis une vingtaine d’années. Elle a beaucoup voyagé en Asie et en Afrique, se spécialisant dans les reportages sur les problèmes du Tiers Monde. Elle a l’intention de poursuivre ses études sur le Tiers Monde soit à l’Université Western, en Ontario, ou à l’Université d’Ottawa.
Roger Bainbridge, 46 ans, originaire de Toronto, est diplômé de l’Institut Ryerson et de l’Université Queen’s. A l’emploi du Kingston Whig-Standard depuis 1968, il est devenu l’éditeur de la section documentaire du journal en 1979. Il profitera de sa Bourse Michener afin d’étudier en profondeur les sections documentaires de différents journaux au Canada et aux États-Unis.
Le Kingston Whig Standard a reçu une mention spéciale pour avoir réussi, après l’échec du gouvernement canadien, à retrouver et à interviewer cinq de six prisonniers de guerre soviétiques en Afghanistan qui désiraient émigrer au Canada. Le gouvernement avait organisé une mission en octobre 1984, demandant à des organisations russes et ukrainiennes de Toronto, de ramener ces hommes au Canada. La mission était restée sans résultat.
En janvier 1986, le Whig-Standard a décidé de se pencher sur cette affaire et de tenter de comprendre les causes de l’échec du gouvernement. Le journal a dépêché trois membres de son équipe en Afghanistan pour obtenir la version des prisonniers. Il s’agit du journaliste David Prosser, de l’éditeur photo Jack Chiang et du photographe Mark Pleasant. Pendant ce temps, le journaliste Ian Hamilton, et par la suite Bill Hutchison, a été assigné aux suivis de cette affaire à Ottawa.
Le travail accompli par l’équipe du Whig-Standard a permis la libération des cinq prisonniers ainsi que leur arrivée sains et saufs au Canada.
Les mentions d’honneur ont été remises à :

Le St. Catharines Standard, pour une série d’articles étalant la corruption et le népotisme au sein des forces policière de la région de Niagara. Le journaliste Michael Clarkson a découvert que 27% des policiers avaient des parents au sein de leur groupe et que 3% additionnels avaient des liens de parenté avec des agents à la retraite. Cette série d’articles a incité le Conseil régional des préfets de police de Niagara à appliquer des correctifs draconiens. La Commission de police a mis en place un comité spécial pour surveiller les pratiques d’embauche. Le comité a aussi examiné en détail le budget de 37,5 $ millions du Service de police, le paiement des journées de maladie à ses membres et même sa structure organisationnelle.Le chef de police a pris une retraite anticipée et les accusations reliées aux pratiques d’embauche portées contre lui en vertu de la Loi de police de l’Ontario ont été retirées.
Le Kitchener Waterloo-Record, pour des articles du journaliste Jim Romahn au sujet d’une réclamation douteuse d’une taxe de recherche scientifique auprès du gouvernement canadien. Le journal a mis en doute le bien-fondé de cette demande qui aurait résulté en une perte de revenus de 10 millions de $ pour le gouvernement. Le projet a été refusé après les articles du journal;
Le Regina Leader-Post, pour un cahier spécial consacré aux dangers des drogues et de l’alcool. Dix journalistes et six photographes ont réalisé ce cahier de 64 pages intitulé « Hooked – Examining Substance Abuse ». Le cahier a été distribué dans les écoles de la Saskatchewan, accompagné d’un Guide pour les enseignants, préparé par des journalistes spécialisés en enseignement. De nombreux témoignages de tous les milieux ont applaudi à cette initiative du journal.
Le jury des Prix Michener 1986 :
Fraser MacDougall, d’Ottawa, président du jury, retraité de la Canadian Press et du Conseil de presse de l’Ontario; Bill Boss, de Bedford Mills (Ontario); Jack Brayley, de Wallace (Nouvelle-Ecosse); Jack Fleming, de Calgary; Emery LeBlanc, de Montréal, ex-éditeur de L’Evangéline et actuel directeur des relations publiques de Via Rail; ainsi que Gail Scott, de Toronto, professeur de journalisme à l’Institut Ryerson.
Le jury de la Bourse Michener-Deacon 1987 :
Le sénateur Richard Doyle, ancien rédacteur en chef du Globe and Mail de Toronto, président du jury; George Bain, chroniqueur et professeur de journalisme; Lise Bissonnette, de Québec, écrivain et éditeur; Doris Anderson, de Toronto; ainsi que Bruce Alloway, radiodiffuseur retraité de Calgary.
La Fondation des Prix Michener a vu le jour en 1987 afin de perpétuer les prix Michener, créés douze ans auparavant par le Très Honorable Roland Michener, Gouverneur général de l’époque. Des bourses d’études ont été ajoutées au programme de la Fondation afin d’encourager l’excellence en journalisme d’intérêt public au Canada.