Ottawa, le 8 décembre 1988. La télévision de CBC et la chaîne de nouvelles Southam sont les récipiendaires du Prix Michener 1987. La Gouverneure générale, Son Excellence Jeanne Sauvé, a remis leurs récompenses aux lauréats lors d’une cérémonie qui a eu lieu à Rideau Hall, à Ottawa. Les gagnants faisaient partie d’un groupe de six finalistes.
La télévision de CBC a été honorée pour un grand reportage intitulé « Runaways – 24 Hours on the Street » (Les fugueurs, 24 heures dans la rue), un documentaire convaincant d’une durée de deux heures sur les milliers d’enfants canadiens qui quittent leur famille et vivent dans les rues des grandes villes avec comme compagnons la drogue, le vice et le crime.
Le « 24 heures » du sous-titre signifie véritablement une période de 24 heures, soit du 5 au 6 août, pendant lesquelles les caméras ont filmé les rues de Toronto, Halifax et Vancouver pour montrer les conditions dans lesquelles ces enfants vivent. L’émission n’avait pas de script. Les enfants parlaient naturellement, dans le jargon de la rue, utilisant parfois des mots et des expressions que certains pourraient trouver répréhensibles. Cette façon de parler a contribué au réalisme de l’émission.
Le reportage a attiré l’attention de la Chambre des Communes et a suscité des demandes pour des copies vidéo de la part de nombreux corps policiers, dont un des États-Unis, ainsi que des écoles, de diverses agences et institutions.
La chaîne de nouvelles Southam a remporté le prix pour son « projet Southam sur l’alphabétisation », une étude en profondeur de la situation de l’analphabétisme à travers le pays. Ce projet sur l’analphabétisme mené en 1987 a représenté la première mesure précise de la capacité de lecture et d’écriture des Canadiens. Il a déclenché d’importantes initiatives, tant dans les secteurs public que privé, plaçant l’alphabétisation à l’ordre du jour comme cela n’avait jamais été le cas auparavant.
Cette étude a amené les adultes avec des problèmes de lecture et d’écriture à rechercher de l’aide, et a aussi démontré que les écoles secondaires canadiennes produisent des diplômés dont la capacité de lecture et d’écriture est nettement insuffisante pour les années 1980.
Southam News a consacré beaucoup d’argent et de temps à ce projet qui avait été proposé par Peter Calamai, un de ses plus anciens correspondants. Southam a financé une enquête nationale de 2 400 Canadiens qui a permis d’établir des rapports statistiques sur le projet. Peter Calamai a travaillé exclusivement sur le projet de mars à septembre 1987. Il a donné des conseils sur la méthodologie de l’enquête et a voyagé d’un bout à l’autre du Canada et à l’étranger pour donner un aspect plus humain aux résultats de l’enquête. Il a fini par écrire une série d’articles de 30 000 mots sur le projet.
La Gouverneure-générale Jeanne Sauvé a rendu hommage à l’un de ses prédécesseurs, l’ex-Gouverneur-général Roland Michener pour avoir créé le prix qui porte son nom et qui reconnaît l’excellence en journalisme d’intérêt public au Canada. Et en s’adressant plus précisément aux finalistes de cette année, elle a déclaré que « comme ceux qui sont à la recherche de la vérité et se font une mission de mettre cette vérité en évidence, vous accomplissez un travail qui est essentiel à la nourriture de l’esprit, à la transmission de nos valeurs et au progrès de notre civilisation ». (Voir le texte complet de la Gouverneure générale.)
Par ailleurs, les bourses Michener-Deacon 1988 ont été attribuées au journaliste pigiste George Tombs, de Saint-Lambert au Québec, et au reporter en agriculture Jim Romahn, du Kitchener-Waterloo Record.
George Tombs se propose d’étudier les règles d’éthique de la presse au Canada, aux états-Unis, en Grande-Bretagne et en France. Le sénateur Richard Doyle, président du jury, a signalé que ce sujet a capté l’intérêt des juges « qui sont tous préoccupés par certaines pratiques maintenant acceptées dans les médias et qui, intentionnellement ou non, peuvent nuire à la réputation de citoyens auprès de l’opinion publique ».
M. Tombs a entrepris une carrière de journaliste-pigiste il y a cinq ans après avoir obtenu un baccalauréat en histoire de l’Université McGill et après avoir passé quelque temps dans le domaine des transports. Auteur de documentaires et homme de radio-télévision, ses principaux intérêts sont la politique, l’économie, les droits de la personne, les sciences et la technologie, l’environnement, la culture et la société.
Il parle couramment le français et l’anglais et a une bonne connaissance de l’allemand et de l’espagnol ainsi que quelques rudiments de polonais. (Voir le rapport Tombs)
Jim Romahn, quant à lui, se propose d’étudier la biotechnologie à l’Université Guelph et au Biotechnology Research Institute, un projet mixte de l’Université de Guelph et de l’Université de Waterloo.
M. Romahn, diplômé en journalisme de l’Université Western en Ontario en 1965, a travaillé au Kitchener-Waterloo Record durant les étés 1963 et 1964, puis a été embauché à plein temps par le journal après sa graduation. En 1968, il est passé à Agriculture Canada, à Ottawa, comme rédacteur scientifique, avant de devenir chef de la section d’information puis rédacteur des discours du ministre. Il est revenu au « Record » en 1974 comme rédacteur et éditorialiste spécialisé en agriculture. Il a connu beaucoup de succès comme journaliste d’enquête, le « Record » ayant remporté deux prix Michener pour son travail. Le journal s’est classé parmi les finalistes à deux autres reprises. (Voir le rapport Romahn)
Une mention spéciale a été décernée à :
Le journal Eastern Graphic, de Montague, Île-du-Prince-Edouard, a été à la hauteur de sa devise « The lively one » (Le journal vivant) en dénichant des renseignements confidentiels sur un projet de raccordement entre l’Ile-du-Prince-Edouard et le continent. Le gouvernement fédéral avait annoncé le 13 novembre 1987 son intention de commencer les travaux de raccordement au coût de 659 millions $. Cette annonce précisait que les habitants de l’Île avaient jusqu’au 1er décembre pour exprimer leur opinion sur ce projet. L’accès aux études techniques était très restreint. Mais le journal a réussi à obtenir tous les rapports et a publié leurs principales conclusions.
Cette recherche des « faits cachés » par le Eastern Graphic a permis aux citoyens de l’Ile-du-Prince-Edouard d’obtenir des renseignements qu’ils n’auraient pas obtenu autrement avant le référendum prévu pour le 18 janvier 1988. Ce journal a été le seul dans l’Île à attirer l’attention de ses lecteurs sur un rapport particulièrement pertinent au sujet de la puissance des glaces dans le Détroit de Northumberland, le site proposé pour le raccordement. A la suite du référendum, le gouvernement a annoncé une étude de 750 000 $ sur le problème des glaces.
Des mentions d’honneur ont été attribuées à :
Le Kitchener-Waterloo Record, pour avoir publié une série en deux parties sur l’intolérance dans les écoles de la région. Ces articles ont offert au conseil scolaire du comté des solutions constructives en vue d’établir une politique qui mettrait fin au traitement discriminatoire fait aux minorités raciales.
Deux journalistes, Barbara Aggerholm et Luisa d’Amato, ont passé cinq mois à réunir l’information nécessaire à cette série. Il leur a fallu en effet beaucoup de temps pour gagner la confiance des élèves issus des minorités et celle de leurs parents qui ne tenaient pas à parler publiquement de leurs sentiments. Les reportages ont décrit en détail les insultes et les sarcasmes dont étaient victimes ces élèves issus des minorités, tant dans les couloirs de l’école que même en classe où les professeurs «n’entendent pas ou font semblant de ne pas entendre ».
Cette série a suscité bien des débats et tellement de lettres à l’éditeur que le Record a finalement cessé de les publier. Les leaders des groupes minoritaires ont dit que ces articles les ont encouragés à parler au cours des réunions publiques et à demander des changements dans les pratiques des conseils scolaires.
La station CFPL-TV de London pour « Season to Season » (de saison en saison) , un documentaire d’une heure sur la vie d’une famille habitant une ferme de sud-ouest de l’Ontario. Cette émission avait pour objectif de mieux faire comprendre aux téléspectateurs les problèmes du Canada rural. Le caméraman Richard Johnstone a réussi à saisir à travers les différentes saisons les difficultés créées par la mauvaise température sur les récoltes, les décès parmi le bétail, les investissements importants et le faible rendement sur ces investissements. Les réactions à cette émission ont été immédiates. La station a reçu des douzaines de demandes de copies de la bande vidéo. La télévision de CBC a diffusé une version d’une demi-heure de l’émission dans le cadre de Country Canada tandis que TV Ontario l’a diffusée trois fois en entier.
Le Vancouver Sun pour une série impressionnante visant à informer ses lecteurs sur le problème du SIDA, une série qui allait au-delà des mythes et des craintes au sujet de cette maladie, et qui donnait aux lecteurs de l’information exacte et facile à comprendre. Le journal a préparé le terrain pour cette série en publiant d’abord le résultat d’un sondage qu’il avait commandé et qui montrait que les citoyens de la Colombie-Britannique ne comprenaient pas vraiment la nature et les impacts du SIDA dans leur vie de tous les jours. Le Sun a donc fait appel à un groupe d’experts pour répondre à des questions écrites sur tous les aspects de cette maladie.
Album de photos de la soirée

De gauche à droite: Jim MacNeill, éditeur du journal Eastern Graphic; Son Excellence la Gouverneure générale Jeanne Sauvé ; Son Excellence l’ex-Gouverneur général Roland Michener à l’occasion d’une réception à Rideau Hall le 8 décembre 1988.

De gauche à droite: Anne Mullens, journaliste spécialisée en santé et en science au Vancouver Sun; Son Excellence Jeanne Sauvé ; l’ex-Gouverneur général Roland Michener ; Gordon Fisher, directeur de la rédaction au Vancouver Sun lors d’une réception à Rideau Hall le 8 décembre 1988.

De gauche à droite: Luisa D’Amato, journaliste au Kitchener-Waterloo Record; Son Excellence la Gouverneure générale Jeanne Sauvé ; Son Excellence l’ex-Gouverneur général Roland Michener à l’occasion d’une réception à Rideau Hall le 8 décembre 1988.

De gauche à droite: George Clark, chef des nouvelles à la station CFPL-TV; Son Excellence la Gouverneure générale Jeanne Sauvé ; Son Excellence l’ex-Gouverneur général Roland Michener à l’occasion d’une réception à Rideau Hall le 8 décembre 1988.

De gauche à droite: Nicholas Hills, directeur général de la chaîne Southam News; Son Excellence la Gouverneure générale Jeanne Sauvé ; Son Excellence l’ex-Gouverneur général Roland Michener à l’occasion d’une réception à Rideau Hall le 8 décembre 1988.

De gauche à droite: Howard Bernstein, producteur exécutif au réseau de télévision CBC; Son Excellence la Gouverneure générale Jeanne Sauvé ; Son Excellence l’ex-Gouverneur général Roland Michener à l’occasion d’une réception à Rideau Hall le 8 décembre 1988.
Le jury des Prix Michener 1987 :
Fraser MacDougall, d’Ottawa, président du jury, retraité de la Canadian Press et du Conseil de presse de l’Ontario; Bill Boss, de Bedford Mills, Ontario; Pierre Lemieux, de Montréal, affaires publiques des chemins de fer Canadien Pacifique (CPR); l’Honorable Mitchell Sharp, ex-ministre du gouvernement fédéral; Graham Trotter, d’Edmonton, retraité; et Gail Scott, de Toronto, professeur de journalisme à l’Institut Ryerson.
Le jury des Bourses Michener-Deacon 1988 :
Le sénateur Richard Doyle, ancien rédacteur en chef du Globe and Mail, de Toronto; George Bain, de Mahone Bay, Nouvelle-Ecosse; Lise Bissonnette, de Montréal; John Miller, chef du département de journalisme à l’Institut Ryerson de Toronto; Doris Anderson, de Toronto; et E.W. (Ted) Chapman, ancien radiodiffuseur de Calgary, qui vit actuellement à Vancouver.
Le Prix Michener de journalisme, commandité par la Fondation des Prix Michener, a été décerné pour la première fois en 1970 avec l’appui du gouverneur général de l’époque, le regretté Roland Michener. Ce prix annuel reconnaît un journalisme engagé, mettant principalement l’accent sur le service désintéressé au public. Il est remis à un organisme de presse plutôt qu’à l’auteur des reportages. Les quotidiens, les stations et les réseaux de radiodiffusion et de télédiffusion, les agences de presse et les périodiques sont admissibles.